I. Parole et sacrements
que Dieu met en place par la mort et la résurrection du
Christ, est offert dans le Nouveau Testament au
croyant par l’annonce de la parole de Dieu et la
célébration des sacrements, donc du baptême et de la
sainte-cène. La parole de Dieu et les sacrements sont
les deux éléments constitutifs et complémentaires de
l’annonce. D’un côté il y a l’annonce par le moyen de
la parole, qui s’adresse plutôt à la raison. De l’autre
côté, il y a l’annonce par le geste symbolique qui
utilise des éléments de la nature : l’eau, le pain et le
vin. Dans le protestantisme, il y a sacrement lorsque
les paroles prononcées par Jésus (paroles
d’institution) sont liées aux éléments de la nature.
II. Le repas dans les premières communautés chrétiennes.
Dans les premières communautés chrétiennes, le repas
occupait une place importante. Dans les Actes, on
nous dit que les chrétiens « rompaient chaque jour le
pain à domicile. » (2,46). La communauté nait par la
célébration de la cène. Ici ce ne sont pas des personnes
qui se rassemblent pour un repas, mais c’est le
Seigneur ressuscité qui lie les différentes personnes en
créant ainsi son corps, la communauté chrétienne.
Au début la sainte-cène était lié à un repas où l’on se
rassasiait. Suite aux dérives que décrit l’apôtre Paul
dans 1 Corinthiens 11, la sainte-cène et le repas ont été
séparés. Le repas a continué d’exister sous la forme
d’agapes, donc de repas festifs.
III. Les racines de la sainte-cène dans le Nouveau Testament
Dans le Nouveau Testament, on peut distinguer quatre
racines qui sont à l’origine de la sainte-cène :
1. Le dernier repas de Jésus
« Notre Seigneur Jésus-Christ, la nuit où il fut livré. »
Nous connaissons les paroles d’institution de la
sainte-cène qui sont répétées à chaque fois que la
communauté se retrouve pour la célébrer. Le dernier
repas que prend Jésus avec ses disciples avant sa
crucifixion est la première sainte-cène.
Jésus s’était rassemblé avec ses disciples pour
célébrer la Pâque, c’est à ce moment qu’il devient
évident que sa mort est proche.
Sa mort sur la croix est la racine principale de la
sainte-cène.
2. Jésus et les repas
disciples ont mangé avec les péagers et les pécheurs.
Cette attitude est mal vue par les dévots. Par cette
participation, Jésus concrétise sa mission qui est de
sauver ceux qui sont perdus. Les « pauvres en esprit »
sont intégrés dans la communion avec Jésus. Ces
repas sont des prédications sans paroles. On peut
comprendre la cène comme une suite des repas de
Jésus avec les péagers et pécheurs. (Marc 2,13-17, Luc
15, 11-32)
3. Les repas du ressuscité avec ses disciples
Ce que les disciples ont vécu avec Jésus lors des
repas, ils le revivent en présence du Christ après
Pâques. Ils ne célèbrent pas un repas funèbre mais un
repas dans la joie puisqu’ils ont obtenu le salut en
participant au repas qui est un acompte de la cène
finale qui aura lieu le dernier jour. Les expériences
pascales des disciples sont en relation avec les repas.
Dans le récit des disciples d’Emmaüs, il est dit :
« quand il se fut mis à table avec eux, il prit du pain,
prononça la bénédiction, le rompit et le leur donna.
Alors leurs yeux furent ouverts et ils le
reconnurent. » (Luc 24,30-31).
4. La Pâque juive
La quatrième racine de la sainte-cène est la fête de
Pessah. Par un repas de fête, Israël se souvient de la
sortie d’Egypte. Jésus rassemble ses disciples pour un
dernier repas lors de Pessah (Mt 26,17). Comme Dieu a
libéré Israël de l’esclavage en Egypte, ainsi le Christ
libère les chrétiens pour une nouvelle alliance. « Car
le Christ, notre Pâque, a été immolé. » (1 Cor. 5,7) La
fête de la Pâque juive génère la joie de la libération et
incite Israël à placer son espérance dans l’action
salvatrice de Dieu. La sainte-cène nous invite à la
même expérience.
IV. L’enseignement des Eglises
Les Eglises n’ont pas un enseignement identique quand
il s’agit de l’interprétation des paroles d’institution de la
sainte-cène : « Ceci est mon corps et ceci est mon
sang ». Ces divergences sont en grande partie dues à
l’évolution de la pensée. Dans l’Eglise ancienne on
n’opposait pas le symbole à la réalité. Bien au contraire,
par le symbole (pain et vin) on participait à la réalité
(corps et sang du Christ). Cela a changé à partir du 9ème
siècle où l’on a commencé à voir la réalité
différemment. Le symbole est dissocié de la réalité.
Chaque confession chrétienne cherche son propre
chemin.
1. L’Eglise Catholique Romaine
Influencés par Aristote, les théologiens du 12ème siècle
différencient la substance d’un objet de sa forme
extérieure. L’exemple suivant peut nous aider à
comprendre cela. Les humains sont différents. Ils sont
jeunes ou âgés, hommes ou femmes, grands ou petits. Le
fait qu’ils sont des humains les unit tous. A l’aide de
cette différenciation, les théologiens ont expliqué
comment le pain est le corps et le vin le sang du Christ.
Dans sa forme extérieure le pain reste du pain et le vin
du vin. Au moment de la sainte-cène l’essence
extérieure du pain et du vin est transformée en corps et
en sang du Christ. L’Eglise Romaine nomme la
transformation : transsubstantiation. Cette doctrine
souligne la présence réelle du Christ. Elle peut se baser
sur les paroles du Christ : « Ceci est mon corps. » Le
danger d’une interprétation populaire de cette doctrine
est que les éléments (pain et vin) deviennent objets de
vénération qui revient à Dieu seul.
2. L’Eglise Réformée
Les réformateurs Zwingli et Calvin s’opposent à la
localisation du Christ dans le pain et le vin. Dieu garde
sa liberté. Le pain et le vin ne sont pas des moyens pour
fixer la présence du Christ. Ils sont plutôt des signes qui
aident le croyant à se souvenir du Christ et d’être un
avec les autres croyants. Pour Zwingli et Calvin la sainte
-cène est un repas de souvenir et de communion. Ils
refusent de lier le Christ à des éléments terrestres
(pain et vin). Calvin se différencie de Zwingli lorsqu’il
affirme que le Christ est vraiment présent dans la cène et
qu’il offre sa communion aux croyants.
Le Saint-Esprit crée cette présence. La théologie
réformée affirme que le pain et le vin sont des signes qui
renvoient à une autre réalité.
3. L’Eglise Luthérienne
Dans sa théologie de la sainte-cène, Luther veut
répondre à la question : Où Dieu est-il présent pour que
nous puissions le connaître et expérimenter son amour ?
Puisque nous ne pouvons pas accéder par nous-mêmes à
Dieu, il affirme que Dieu s’est engagé dans notre monde
sans poser de conditions et cela en Christ qui est devenu
notre frère. Cet engagement se réalise aussi dans la
sainte-cène. Le Christ se lie au pain et au vin afin de
s’offrir aux hommes. En cela Luther se différencie de
Zwingli et Calvin. Dieu est libre de se lier aux éléments
(pain et vin). Sa gloire devient visible dans son
engagement dans le monde. Pour Luther le Christ est
véritablement présent dans la cène. L’article 10 de la
Confession d’Augsbourg dit : « Au sujet de la Cène du
Seigneur on donne cet enseignement : que le vrai corps
et le vrai sang du Christ sont, en toute vérité, présents
dans la Cène sous les espèces du pain et du vin, et que là
ils sont distribués et reçus. C’est pourquoi on rejette
également la doctrine contraire ». La doctrine
luthérienne accentue que Dieu rencontre l’homme corps
et âme. Dans les situations difficiles une réalité externe
doit l’aider. Cette démarche de cure d’âme ne fait
dépendre la présence du Christ dans le sacrement ni de
la foi, ni de la pensée humaine.
4. L’Eglise Orthodoxe
Les Eglises Orthodoxes n’ont pas participé au débat sur
la sainte-cène qu’ont mené les Eglises
Occidentales. Elles ont gardé la pensée de l’Eglise
ancienne qui lie symbole (pain et vin) et réalité (corps et
sang). Elles affirment que pain et vin sont corps et sang
du Christ, sans en faire une théorie. La sainte-cène reste
un mystère. Ce mystère a différentes facettes et ne peut
pas être expliqué. Les différentes interprétations ne sont
pas ressenties comme des oppositions puisque l’Esprit
Saint utilise la matière. Dans la liturgie orthodoxe
l’invocation de l’Esprit est importante. Par cette prière
l’Eglise exprime qu’elle ne veut pas disposer du
sacrement mais qu’elle se trouve devant Dieu comme
solliciteuse.
Pasteur Bernard Niess
|